AM Art Films
2024

Portraits de Jeannine

Jeannine Guillou

Prix du meilleur court-métrage, MIFAC 2025, Angoulême.
Artiste-peintre, Jeannine Guillou fut la première compagne de Nicolas de Staël rencontré à Marrakech en 1937.

A propos

Synopsis

Artiste-peintre, Jeannine Guillou fut la première compagne de Nicolas de Staël rencontré à Marrakech en 1937. « Portraits de Jeannine » révèle la vie et l’œuvre d’une femme libre et ardente.

A travers les écrits de Jeannine et le récit de sa fille Anne de Staël, ce film met en lumière une artiste oubliée, il rend hommage à une œuvre injustement méconnue qui reste à découvrir.

L'artiste

Jeannine Guillou (1909–1946) est une peintre française née à Concarneau. Elle commence à peindre dès l’adolescence, puis poursuit sa formation aux Arts décoratifs de Nice. En 1931, elle donne naissance à un fils, Anton Teslar (plus tard Antoine Tudal), issu de sa relation avec le peintre polonais Oleg Teslar. Lorsqu’elle rencontre Nicolas de Staël à Marrakech en 1937, elle a déjà atteint une grande maturité artistique. Unis dans la vie comme dans l’art, le couple traverse la guerre et l’exil, entre le Maroc, l’Algérie et la France. Leur fille, Anne, naît en 1942. Tandis que Jeannine expose, vend ses œuvres et fait vivre la famille, elle reste dans l’ombre de son compagnon, qu’elle contribue pourtant à révéler. 
Morte prématurément à 36 ans, elle laisse une œuvre sensible et lumineuse, redécouverte notamment lors de l’exposition La vie dure au musée Picasso d’Antibes en 2011.
(retrouverz une biographie plus détailée sur la page artiste )


Note d'intention de la réalisatrice

Le nom de Jeannine Guillou ne nous évoque plus rien aujourd’hui. Cette femme peintre, née à Concarneau en 1909, compagne lumineuse de Nicolas de Staël est tombée dans l’oubli.

De Jeannine et Nicolas, il reste un enfant : Anne de Staël, dont la rencontre a été un enchantement. De Jeannine il reste quelques toiles, glanées dans la maison d’Anne ou dans les réserves de quelques musées.

Et pourtant Jeannine Guillou était une véritable artiste, une personnalité libre et solaire, qui a envouté le jeune Nicolas de Staël et l’a aidé à trouver sa voie dans la peinture.

Partir sur les traces de cette artiste, aller chercher auprès d’Anne des images de sa mère dansant une nuit sur une place marocaine, se promener à Concarneau et revisiter sa maison d’enfance, dernier étage face à la mer, voilà où m’a emmenée ce film.

Un film comme une enquête, incarnée par ma sœur Marianne, la danseuse. Elle y joue à la fois Jeannine, à la fois mon double, puisque pour citer Francis Bacon « Quand on fait un portrait, ne se peint-on pas soi-même ? 
»
Catherine Aventurier

Fiche technique

Réalisation
Catherine Aventurier
Images
Richard Cloué
Eric Genillier
Montage
Catherine Aventurier
Emmanuel Baert
Gaëtan Chabanol
Musique originale
Dimitri Leroy
Durée
13:41
Sélections & Festivals
MIFAC 2025

Prix du meilleur court-métrage

Chronique

Jeannine


" L’amour n’est pas un plaisir
C’est la raison d’être du corps inquiet
Qu’il ne rejoint qu’ainsi par le chemin de la joie
La seule joie
Les autres sont des trompe-la-vie "
Jeannine Guillou

Les ailes de la femme inspirante ne plient jamais devant la tyrannie du réel. Déployées, elles ont l’envergure spirituelle de ses rêves. Jeannine Guillou peindra au fleuret, puisant à la source des couleurs l’impulsion de la vie. La joie est son maître et sa palette ne connait pas l’hiver. Sa force de liberté, elle la puise dans la fragilité de son cœur et l’éclat d’un diamant. L’or de la lumière est éphémère, alors pourquoi l’enfermer dans les coffres d’une vie économe ?

Á vingt ans, la fille de l’amiral Guillou épouse Olek Teslar, son professeur de dessin, peintre polonais de dix ans son aîné. Il est ce nomade sans patrie, riche de fantaisie qui a appris par ses dons de conteur, à survivre aux tragédies de l’Histoire. La bague de fiançailles vendue sera le passeport pour la lumière du Maroc. De leur union, un enfant naîtra. Jeannine en fera l’offrande au désert de l’Atlas en le berçant parmi les dunes. Antek, le tout petit, ne s’en remettra jamais et il devint poète.

Á Marrakech où ils vivent de leur peinture, alors que le trait de Jeannine s’affirme, celui de son compagnon se perd dans les méandres de la vieille ville. La quête de la jeune femme était un don. Son seul espoir : l’horizon ! Olek vivait de ce peu où les rêves s’arrêtent à la porte du réel. Un jour, sous le soleil du Maroc, un jeune-homme cherchait de la terre pour sculpter. La jeune femme enlisée dans le limon d’une relation sans avenir vit l’argile brute de ce jeune géant, et il lui sembla que la force de son souffle fracturait les murs de la citadelle. Assiégée par une réalité dont elle ne pouvait plus soutenir le regard, elle fut éblouie et elle reprit sa liberté.

Le jeune homme s’appelait Nicolas de Staël. Tout en lui vibrait de ces pressentiments qui allaient s’affirmer jusqu’à déchirer le ciel de la toile sous les éclairs d’un nouveau monde. Jeannine vit cela. De tout son amour de femme et de peintre accompli, elle s’enflamma pour éclairer sa route.

En 1942, après l’intense errance des pays du Sud à se brûler les yeux sur les pigments du soleil, Jeannine, son fils Antek et Nicolas, se glissèrent en passagers clandestins dans ce grand Paris où la misère de la guerre leur faisait parfois l’aumône d’un peu de pain, puis les abandonnait à la morsure du lendemain.

Peu importe si la réalité quotidienne est une furie qui se venge et ne laisse aucun répit aux guetteurs d’absolu.

[i]. Sous ses paupières closes, Jeannine Guillou au cœur si brave et si fragile, faisait œuvre de colosse en dévoilant au jeune-homme la richesse de ses palais intérieurs. Tout comme la nourriture, la matière peinture est rare, elle l’abandonne à Nicolas. La petite Anne fut conçue dans l’embrasement des tableaux et ne s’en remit jamais. Elle devint poète.

L’œuvre en mouvement est une gorgone qui échappe à tous les regards, elle est en travail dans la terre fertile des ateliers, sur les chemins de ronde, dans la longue chaine de partage qui libère la main créative. Celle de Jeannine en luttant pour un réel à la mesure de son rêve avait donné toutes ses couleurs à l’homme qu’elle aimait. Épuisée, elle pouvait maintenant s’effacer du tableau.

Ce vingt sept février 1946, le soleil dansait sur la neige comme Jeannine avait dansé sous les étoiles du ciel marocain. Elle s’en alla un matin d’hiver à l’âge de trente six ans, et depuis, le réel devenu orphelin ne cessa de témoigner de la beauté du monde par la main du peintre qu’elle avait révélé.



[i] "Tant pis pour ceux qui dorment. Leur rêve ne vaut pas la lucide vision des guetteurs d’absolu."
Jeannine Guillou.

Vivianne Montagnon

Viviane Montagnon est née à Lyon et vit en Bresse. Elle est écrivain, auteur de chansons et de théâtre, comédienne et chanteuse. Un de ses  ouvrages « Le Panier de Lucette », chroniques poétiques sur la vie paysanne publié aux Éditions Aréopage et rebaptisé « Moi, d’osier, plume et soleil ! » vient de faire l’objet d’une adaptation théâtrale. Son dernier livre « Honoré » préfacé par la psychanalyste Cécile Baudinet est paru en 2020 aux éditions « L’Astre Bleu ».
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