Dans la pénombre de son laboratoire, Patrick Bailly-Maître-Grand, ex-physicien passé par la peinture, s’ingénie à marier l’ombre et la lumière. Attaché à la notion d’objet, ce bidouilleur de talent explore l’univers argentique et nous en révèle les richesses inépuisables.
Que la photographie soit
Jamais la captation n’aura eu à l’image plus de réalité. Dans le film de Jean-Marc Gosse, la lumière est une lame qui prélève la matière visible. D’un plan à l’autre, la portion éclairée du champ s’amincit et s’effile. D’abord, la lumière est surface, derrière les vitres de l’atelier, puis elle se canalise dans le cylindre des néons, pour finir, densifiée, sous la forme d’un rayon qui s’échappe d’une petite cavité dans laquelle une figurine est placée. Par étapes, la lumière se concentre et elle renvoie l’espace à son obscurité natale. Dans cet intervalle éclairé, la statuette est visible et elle tourne sur son socle. Le mouvement latéral de la caméra rend son apparition fugace et son visage humanisé par tant de mystère.
Ainsi, l’écran n’est plus une fenêtre ouverte sur un monde mais une fente par laquelle il s’immisce et arrive jusqu’à nous, transformé.
Le photographe travaille ou, comme le dit sa voix off, il bricole. Il assemble, serre, dévisse, ajuste. Chaque geste est saisi en gros plan, dans sa technicité. Sur le flanc d’un appareil argentique, un pouce déclenche une prise de vue. Une main actionne une manette qui anime un humanoïde dont les bras articulés jettent des étincelles. L’opération est filmée dans son déroulement puis, tôt ou tard, raccordée au résultat qu’elle produit.
Mais ce raccord est singulier, comme l’est le dispositif. En amont du procédé technique que la prise de vue réclame, c’est un processus qu’il met en œuvre et qu’il laisse opérer. Le travail de l’artiste est de mettre au travail l’alliance féconde de deux éléments. Ainsi, un doigt puis deux plongés dans l’eau impriment à la surface des cercles larges qui se croisent et s’accroissent. La caméra filme au plus près ces modulations, et en joue par ses variations d’angle. Tantôt la main se profile comme une ombre en laissant à l’eau la matière, tantôt elle trouve dans l’eau la luminescence qui lui redonne un relief et une densité.
De ces phénomènes optiques, l’image photographique garde la trace, et elle surgit, comme une vision, dans un plan fixe et frontal. Pour autant, elle n’est pas figée. Le montage superpose à la photographie sa genèse et prolonge ainsi en elle le processus dont elle est issue. En elle, les ondes ou les étincelles sont encore vives. La surimpression permet au film de révéler ce que l’impression photographique renferme : une image animée du phénomène qui l’a fait naître. Mais la photographie révèle aussi ce qu’est la chose photographiée : une apparition dont l’oeil s’amuse à observer les précieuses variations.
Sylvie Lopez-Jacob
Bourges – Janvier 2019
Agrégée de philosophie, docteure en sémiologie du texte et de l’image, Sylvie Lopez-Jacob enseigne au lycée, et à l’Ecole nationale supérieure d’art de Bourges.
Elle s’exerce depuis longtemps à faire fructifier la rencontre de l’art et de la philosophie. Dans ses conférences et dans ses articles, le cinéma reste un champ privilégié d’investigation.
Elle a mené de nombreux projets pédagogiques centrés sur les questions d’esthétique en collaboration avec des peintres, dramaturges, écrivains dont Yves Michaud, Pierre Bergounioux, Claude Viallat, Claude Lévèque...
Jamais la captation n’aura eu à l’image plus de réalité. Dans le film de Jean-Marc Gosse, la lumière est une lame qui prélève la matière visible. D’un plan à l’autre, la portion éclairée du champ s’amincit et s’effile. D’abord, la lumière est surface, derrière les vitres de l’atelier, puis elle se canalise dans le cylindre des néons, pour finir, densifiée, sous la forme d’un rayon qui s’échappe d’une petite cavité dans laquelle une figurine est placée. Par étapes, la lumière se concentre et elle renvoie l’espace à son obscurité natale. Dans cet intervalle éclairé, la statuette est visible et elle tourne sur son socle. Le mouvement latéral de la caméra rend son apparition fugace et son visage humanisé par tant de mystère.
Ainsi, l’écran n’est plus une fenêtre ouverte sur un monde mais une fente par laquelle il s’immisce et arrive jusqu’à nous, transformé.
Le photographe travaille ou, comme le dit sa voix off, il bricole. Il assemble, serre, dévisse, ajuste. Chaque geste est saisi en gros plan, dans sa technicité. Sur le flanc d’un appareil argentique, un pouce déclenche une prise de vue. Une main actionne une manette qui anime un humanoïde dont les bras articulés jettent des étincelles. L’opération est filmée dans son déroulement puis, tôt ou tard, raccordée au résultat qu’elle produit.
Mais ce raccord est singulier, comme l’est le dispositif. En amont du procédé technique que la prise de vue réclame, c’est un processus qu’il met en œuvre et qu’il laisse opérer. Le travail de l’artiste est de mettre au travail l’alliance féconde de deux éléments. Ainsi, un doigt puis deux plongés dans l’eau impriment à la surface des cercles larges qui se croisent et s’accroissent. La caméra filme au plus près ces modulations, et en joue par ses variations d’angle. Tantôt la main se profile comme une ombre en laissant à l’eau la matière, tantôt elle trouve dans l’eau la luminescence qui lui redonne un relief et une densité.
De ces phénomènes optiques, l’image photographique garde la trace, et elle surgit, comme une vision, dans un plan fixe et frontal. Pour autant, elle n’est pas figée. Le montage superpose à la photographie sa genèse et prolonge ainsi en elle le processus dont elle est issue. En elle, les ondes ou les étincelles sont encore vives. La surimpression permet au film de révéler ce que l’impression photographique renferme : une image animée du phénomène qui l’a fait naître. Mais la photographie révèle aussi ce qu’est la chose photographiée : une apparition dont l’oeil s’amuse à observer les précieuses variations.
Sylvie Lopez-Jacob
Bourges – Janvier 2019
Agrégée de philosophie, docteure en sémiologie du texte et de l’image, Sylvie Lopez-Jacob enseigne au lycée, et à l’Ecole nationale supérieure d’art de Bourges.
Elle s’exerce depuis longtemps à faire fructifier la rencontre de l’art et de la philosophie. Dans ses conférences et dans ses articles, le cinéma reste un champ privilégié d’investigation.
Elle a mené de nombreux projets pédagogiques centrés sur les questions d’esthétique en collaboration avec des peintres, dramaturges, écrivains dont Yves Michaud, Pierre Bergounioux, Claude Viallat, Claude Lévèque...
A propos
L'artistePatrick Bailly-Maître-Grand est né en 1945 à Paris.
Photographe, il vit et travaille à Strasbourg.
Il est représenté par la galerie Baudoin Lebon à Paris.
Réalisation
Jean-Marc Gosse
Image
Eric Genillier
Eric Genillier
Montage
Isabelle Pires
Isabelle Pires
Musique originale
Jean LedouxDurée
06:31
Festivals
MIFAC 2018 - Marché International du Film sur les Artistes Contemporains, Le Mans (France)
Prix Spécial du jury 2018
38ème édition Sélection catégorie court-métrage
