AM Art Films
Sofia, 2021

Half life

Stefan Nikolaev

A Sofia, à l’ombre d’une architecture brutaliste, «Half-Life» de Stefan Nikolaev prend forme dans les mains d’artisans, ferronnier et souffleur de verre. Les œuvres de Stefan Nikolaev, fruits de ce qu’il nomme son déchirement volontaire, revisitent des icônes de notre société contemporaine et laissent planer un voile de «nostalgie cool».

A propos

Synospis

A Sofia, à l’ombre d’une architecture brutaliste, «Half-Life» de Stefan Nikolaev prend forme dans les mains d’artisans, ferronnier et souffleur de verre. Les œuvres de Stefan Nikolaev, fruits de ce qu’il nomme son déchirement volontaire, revisitent des icônes de notre société contemporaine et laissent planer un voile de «nostalgie cool».

L'artiste

Stefan Nikolaev est né en 1970 à Sofia en Bulgarie. Il vit et travaille entre Paris et Sofia.
Plasticien et sculpteur, il est représenté par la galerie Michel Rein, Paris et Bruxelles.

Fiche technique

Réalisation et image
Stanislav Valade
Montage
Nicolas Blondel
Musique originale
Chris Adamski et Benjamin Mathevet
Durée06:54
Sélections & Festivals
Film Arte 2023 Festival Film Arte

Berlin, Allemagne

FAFF 2022 Fine Arts Film Festival

Los Angeles, USA

MIFAC 2022 Marché International du Film sur les Artistes Contemporains

Le Mans, France

MOFA 2022 Master of Art Film Festival

Sofia, Bulgarie

Chronique

Half/Life ou retour à la matrice


Imaginez une vie coupée en deux par un slash au milieu. « Half/Life » est le fruit d’un tandem entre l’artiste Stefan Nikolaev et le réalisateur Stanislav Valade. Une œuvre filmique au titre bipolaire dès le générique nous entraîne dans un rythme, un courant alternatif. On passe de l’ombre à la lumière, de la musique au silence, du vacarme de la ville à l’apparente sérénité des paysages montagneux. VO/VF. Couleur / Noir et blanc. Comme dans une chorégraphie sans cesse en mouvement. Douce rêverie ou dur labeur. Flou artistique et précision technique. Tout est là pour évoquer un mode de vie binaire ou plutôt bicéphale. Un On/off sans fin.

Pourtant chez Stefan Nikolaev, le slash n’est pas une séparation, mais bel et bien une courroie de transmission, un pont qui se lève au gré de ses allers et venues entre deux patries qui lui sont chères l’une comme l’autre. D’un côté Sofia, qui l’a vu naître biologiquement en 1970. De l’autre Paris qui, à partir de 1988, le fait re-naître artistiquement. L’une est cette « ville sublime » où il s’immerge pour étudier à l’École des Beaux-Arts, échappant ainsi à son destin national. Et l’autre, la belle Sofia en Bulgarie où il a vécu à l’heure communiste.

Aujourd’hui, l’ancien pays du bloc soviétique n’a rien perdu de son savoir-faire ni de son sens du labeur. On ne compte pas les heures pour avoir la satisfaction du travail fini. Stefan regagne régulièrement ses ateliers bulgares où, depuis le milieu des années 2000, il entre en action et réalise concrètement les pièces dont il a rêvé à Paris. Cette union ou plutôt cette unification identitaire se traduit dans le film par la voix off, celle de Stefan Nikolaev qui, quel que soit le lieu où il se situe, nous conte avec chaleur et légèreté, son entre-deux mondes. Passant du bulgare au français, il décrit ce pas-chassé permanent devenu une seconde nature, un mode de vie. Chaque partie ne pouvant exister l’une sans l’autre, elles se nourrissent donc mutuellement alors que l’artiste se trouve bercé dans un plaisant va-et-vient. Une vie double-dose dont il ne saurait se passer et qui oscille entre contrastes et harmonie.

Stanislav Valade, lui-même mi-français, mi-bulgare, prend le parti de nous dresser un portrait de l’artiste du point de vue sofiote. Stefan Nikolaev nous rappelle très justement que « ce déchirement volontaire reste dans sa vie et son travail, un moteur ». Et on le suit ainsi pas à pas dans la mystérieuse élaboration d’une œuvre. L’artiste nous entraîne d’un atelier l’autre, accompagné d’artisans-experts, tous aussi appliqués qu’impliqués dans leur domaine. Du chalumeau aux coups de marteaux, on passe du studio de Marko à l’atelier du spécialiste du néon qui cisèle avec soin de luminescentes phrases en 3D. On se sent comme en famille dans cet univers où tout est à sa place. Y compris la pie qui vit sur les lieux et cherche, elle aussi, à se rendre utile.

Pendant ce temps, l’artiste se sent pousser des ailes. Entre deux séances techniques, on atterrit au cœur de Bouzloudja, un monumental palais brutaliste où l’artiste trouve son inspiration. Cette sorte de vaisseau extra-terrestre perdu en plein paysage lunaire s’émiette gracieusement aux quatre vents. Et alors que les belles ruines de ce symbole communiste s’effacent progressivement de l’Histoire bulgare, l’œuvre de Stefan Nikolaev, elle, s’y régénère. Dans cette alliance de métal, de verre et de néon, une œuvre prend d’ailleurs réellement forme sous nos yeux. C’est une pièce circulaire coupée en deux par un slash en son milieu. On peut y lire « Half/Life » en lettres de feu. Le film a donc été prétexte à une nouvelle œuvre. Un portrait dans le portrait, une mise-en-abîme qui nous assure que « Half/Life », bien au-delà d’une « demi-vie », est bel et bien une matrice.


Anaïd Demir, auteure, critique d’art et commissaire d’exposition

Anaïd Demir a collaboré à de nombreuses publications dont Le Journal des Arts, Beaux-Arts Magazine, Photo, Le Monde 2, GQ,… et à Radio Nova. Auteure de romans ancrés dans le champ de l’art comme Le Dernier jour de Jean-Michel Basquiat (2010, Ed. Anabet), Joconde Intime (Éditions Léo Scheer-Laureli, 2011), son prochain roman, Maison-mère, est en cours d’élaboration et a reçu le concours du CNL.
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